Quoi de mieux pour passer une bonne soirée que d'organiser la plus grosse fête du mois ? Depuis maintenant plusieurs semaines, Michael préparait l'événement, prenant le plus grand soin à ne rien oublier pour qu'aucun regret ne surgisse à la fin, hormis celui que c'était, comme bien souvent trop court... Et ça, c'est ce qu'il savait faire de mieux. Si jamais une fête ne se déroulait pas chez lui, il était tout de même là, à superviser pour être absolument certain que rien ne manquerait. Et si ça se déroulait à son domicile, il savait exactement quoi faire, comment le faire, où le faire, bref, son cerveau était tout simplement formaté pour l'organisation de grosses réceptions à base d'alcool et de musique.

La fortune familiale n'étant plus à faire, Mike avait très tôt eu sa part. Sa première pensée était allée à l'achat d'un petit chez soi. Un appartement ? Trop petit, les voisins, tout ça... Une maison ? Oui, pourquoi pas, mais autant viser la taille au-dessus. Une villa ? Bingo ! Sauf qu'à les regarder, le jeune homme s'était très vite aperçu qu'il ne trouverait jamais son bonheur. Et donc, il avait obtenu un permis de construire. Pour faire sa propre demeure. Et là, la folie des grandeurs avait frappé ! Description ? Description.

Un portail en fer forgé, seule ouverture d'un mur de pierre, béait sur une longue allée de graviers bordée de petites haies, menant directement à une petite place, juste devant le perron. Deux marches, et la grande porte, avec derrière une vaste pièce, faisant en fait tout le rez-de-chaussée. En son centre, un escalier. A gauche, un coin salon, bar, billard, et un grand espace vide, pour danser. A droite, une cuisine, une salle à manger. L'étage, huit chambres. Et au-dessus, une autre chambre, une seule, sous les toits, celle du propriétaire.

Une vaste baie vitrée, au fond, donnait sur un beau jardin, au milieu duquel trônait une piscine. Passons les détails, hormis celui de préciser que pour un seul homme, tout ceci est beaucoup trop... Sauf que Michael était rarement seul chez lui. Ses amis, Ryan, Ben, Julia étaient les bienvenus. Marianne aussi, même si elle n'approuvait pas... En bref, l'endroit était parfait pour organiser la fête du mois, donc.

"Bonsoir ! Bienvenue, entrez entrez, allez donc vous servir un verre et vous trémoussez sur la piste !"

C'est ainsi que Michael saluait tous les invités qui se pressaient. Les invités, oui, car un portier spécialement recruté pour l'occasion vérifiait les cartons, chacun soigneusement signé de la main même du proprio. En tout ? Une centaine de personnes, tout au plus. En plus du portier, Michael s'était payé les services d'un barman, d'un DJ, et de deux colosses pour la sécurité, au cas où il aurait pris à quelqu'un l'envie de faire des siennes. Fort heureusement, la soirée fut parfaite.

Le début ? Vers 19h30. La fin ? Quelque part aux alentours de 3h du matin. Il ne restait là plus qu'une dizaine de personnes. Malgré la fatigue, Mike se dandinait encore sur la piste, un verre de Martini à la main. Il repéra alors, à la faveur d'un éclairage un peu plus violent, son amie d'enfance assise au bar. Et là, il fut assez étonné, parce qu'elle faisait partie des résistants ! S'il s'était attendu... Il s'approcha donc d'elle, et l'alcool prit la parole :

"Hey, joli coeur ! On ne s'est pas vu de la soirée, dis-moi..."

Il s'était laissé attirer, un peu sans en avoir le choix, et dans le mouvement, ils s'étaient trouvé si proches que leur lèvres se touchèrent, pour un chaste baiser. Profitant de sa nouvelle proximité avec le comptoir, il avait laissé son verre dessus, afin d'éviter toute catastrophe. Marianne l'enlaçait, à présent, et il fit de même.

"En tout cas, je me suis bien amusée..."

"Tu ne peux pas savoir à quel point ça me fait plaisir de t'entendre dire ça !"

Il glissa sa main sous le menton de Marianne, et lui redressa délicatement la tête du bout des doigts, afin que leurs regards se rencontrent.

"Tu vois, en définitive, ça n'est pas si dur de se laisser aller."

Après lui avoir déposé un petit bisou sur le bout du nez, il l'entraîna vers la banquette la plus proche, afin qu'ils soient plus confortablement installés.

"Avec les moyens que tu as, tu pourrais te permettre d'organiser ce genre de soirées, maintenant !"

Hop, une référence à l'héritage. Pour aller vers quelque chose de plus précis ? Nul n'aurait su le dire.

Si Marianne s'était amusée, peut-être l'alcool y était-il pour beaucoup. Ses capacités de désinhibitions pouvaient renverser n'importe qui, et la jeune femme s'y était laissée prendre. Mike lui-même avait pas mal bu, et il se rendit compte, une fois assis, à quel point son verre laissé sur le comptoir lui manquait. Mais son amie s'était appuyée contre lui, il était donc assez délicat de tenter de s'éclipser pour aller récupérer le précieux sésame. De toute manière, l'heure était plus à la discussion de fin de soirée, et l'alcool n'était plus nécessaire...

Le riche petit bourgeois haussa les épaules quand Marianne affirma que ça ne serait pas une bonne idée. Si ce n'était que du point de vue logistique, elle avait la chance d'avoir pour ami l'homme idéal pour s'en charger. Tout ce qu'il avait fait ce soir pouvait être transposé ailleurs, en s'y adaptant, bien sûr, mais ça pouvait largement se faire. Malheureusement, il n'y avait pas que cette question d'organisation. Il y avait celle de l'opinion publique. Comment donc ce bougre d'enquêteur pouvait-il s'imaginer qu'elle avait quelque chose à voir dans la disparition de ses parents ? C'était tout bonnement irréel. Mais les gens avaient adhéré à l'idée...

"Les gens sont cons." lâcha-t-il, en louchant vers le bar.

Il capta le regard du barman, et lui désigna son verre. Puis son entière attention, ou du moins ce qu'il en restait, revint sur son amie, qui jeta une phrase sentencieuse avant de terminer son Champagne derrière sec. Mike ne fit aucun commentaire, mais ça risquait d'être très difficile. Sa main caressait les cheveux de Marianne, et de l'autre, il lui redressa légèrement le menton, pour pouvoir la regarder droit dans les yeux.

"Tu n'as rien à te reprocher, laisse-les parler. Cet inspecteur ne trouvera rien sur toi, et tout le monde oubliera cette histoire."

Le barman arriva alors, posant le verre de Mike juste à côté de lui. Ce dernier lui adressa un clin d’œil avant d'articuler, sans prononcer un mot, qu'il pouvait y aller. Attrapant le récipient enfin à sa portée, Michael préleva une gorgée de son contenu. Puis :

"Il faut travailler ton image ! Le pire à faire maintenant, c'est de t'accrocher à ton argent, ou le dépenser à tort et à travers, les gens vont vraiment croire que tu n'attendais que ça. Il faut faire dans le caritatif, entretenir l’œuvre de tes parents. Tu n'es pas seulement l'héritière de leur fortune..."

Là, le jeune homme s'étonnait lui-même. En temps normal, il aurait à peu près raconté la même chose, mais de façon bien moins sérieuse. L'effet fin de soirée avait sans doute un côté bénéfique sur lui, le rendant bien meilleur conseiller. Dans le sillage de Marianne, il termina son verre, derrière sec, et resta quelques secondes à sentir l'alcool lui brûler l’œsophage.

"Jeez, c'était un peu trop..." commenta-t-il.

Il secoua alors la tête et entendit que la musique qui passait était un slow. Idéal pour décompresser sans faire trop les loques. Il se leva donc et entraîna Marianne avec lui. Arrivé au milieu de la piste, il l'enlaça. Ils étaient les seuls à danser, et de toute manière, ils ne seraient rapidement plus que deux.