"Jay ! Jay! C'est à toi dans cinq minutes ! Mais qu'est-ce que tu fous encore dans ta loge?"

"Bill fous moi la paix, je serai sur scène dans cinq minutes, okay?"

Le ton du jeune homme se voulait froid et cassant et il eut l'effet désiré car quelques secondes plus tard, Jay entendit son patron s'éloigner dans le couloir, grognant divers insultes à l'intention de Jay Byrne. Charmant… Vraiment charmant … Et rien de tel pour débuter la journée. Car il était peut être vingt heures et une nuit des plus noires s'était abattu sur Monopolis, Jay venait tout juste de se réveiller. Il sentait encore la caresse de ses draps sur sa peau et tout ce qu'il voulait faire en fait, c'était retourner dans son lit. Mais non il ne pouvait pas … Être un anarchiste confirmé ne payait même pas de nos jours et une princesse telle que lui se devait d'avoir de l'alcool en toute circonstance. Car oui, ne vous y méprenez pas, si Jay travaillait, c'était uniquement pour pourvoir se payer une bouteille de bourbon et de continuer de délirer un peu plus longtemps. Sa véritable vocation était le sabotage et la manipulation professionnelle, semer la terreur en tant qu'étoiles noires. Mais, pas de nouvelles de son autre patron depuis quelques jours…

Alors redevons une princesse pour quelques temps et rangeons le prince fougueux au placard. Jay, qui était affalé devant sa coiffeuse, se redressa soudainement , s'empara de la seule bouteille d'alcool qui se trouvait là et la vida d'un trait. Ce geste n'avait absolument rien d'élégant et jurait affreusement avec le reste de sa physionomie. Et c'était le genre de chose que l'on remarquait facilement avec un gigantesque miroir en face de soi. La couleur brunâtre du liquide jurait avec le rouge de ses lèvres, et les quelques gouttes qui roulèrent sur son menton ne faisaient que profaner ce beau visage. Il laissa tomber la bouteille à terre et abandonna sa chaise, s'asseyant sur le meuble, son front collé contre le miroir.

"Va à Monopolis Jay … Tu seras une star!"

Voilà ce que sa mère lui avait dit en lui tendant ses dernières économies… Elle était probablement déjà morte maintenant et à vrai dire, le jeune homme s'en moquait complètement. Là tout de suite, il la détestait plus qu'autre chose. À commencer par ce visage … Il fixa ses propres yeux, presque dégoûté par leur beauté… Elle n'avait pas fait les choses correctement, elle aurait dû faire de lui une femme au lieu de lui en donner simplement la grâce. C'était injuste, tout ceci était injuste. Il se déshabilla dans un geste brusque, étant à présent sur ses deux pieds. Jay n'était pas devenu une star. S'il était bien quelque chose, c'était une déesse.

Le blond éclata de rire en enfilant son costume de scène, une tenue noire ridiculement petite qui faisait encore plus douter les gens sur sa véritable nature. Il enfila ses gants de la même couleur avant de se tourner une nouvelle fois vers le miroir. Plus que deux minutes… Plus que deux minutes et comme tous les soirs il se demandait s'il allait vraiment monter sur scène et recommencer ce beau manège. Danser, séduire, amuser… Pour une bande de pervers grassouillets qui se fichaient bien de la politique et qui étaient là uniquement pour se rincer les yeux. Et aussi pour donner naissance à tous leur fantasmes inavouables car les spectateurs de Jay était principalement des hommes…

Et tous dans le fond, un verre d'alcool à la main ou en train d'applaudir, savaient qu'ils avaient affaire à un homme. Et presque tous, rêvaient de lui la nuit. Enfin … c'était ce qu'il aimait se dire. Jay finit de nouer ses cheveux en une longue tresse et s'écarta du miroir pour se contempler. Pas besoin de maquillage, cela ne ferait que ternir son beau visage. Pas besoin de masque ce soir, il se sentait d'humeur joueuse. Il ne lui restait plus que trente secondes pour monter sur scène et il se trouvait superbement divin. Princesse délicate la nuit et Prince impétueux au petit jour… Jay Byrne était définitivement plus qu'une star. Il s'envoya un baiser, jouant avec son propre reflet.

Non en fait... Il était parfait.