Arrête tes conneries ! | PV Jay

Papiers d'identité · **Marie-Jeanne**

Arrête tes conneries !

Arrête tes conneries ! | PV Jay 027_6

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Jay & Marie-Jeanne
«Le bon sens est la chose la mieux partagée du monde... La connerie aussi.»
[Jacques Rouxel]

Comme tous les jours, depuis elle ne sait même plus combien de temps maintenant, Marie-Jeanne travaillait à l’Underground Café. Ce n’est pas que ce métier lui plaise franchement, mais il fallait bien travailler quelque part, pour pouvoir vivre ou du moins survivre ici à Monopolis, pour pouvoir manger, pour pouvoir payer son loyer. Et puis, elle n’était au fond pas si mal lotie. Le souterrain sud, où se trouve son lieu de travail, n’était pas si mal famé contrairement aux souterrains est et ouest. La serveuse y voyait du monde, même si ces gens ne la voyaient pas, elle.

En cette fin d’après-midi, la journée avait passé inexorablement de la même façon que la précédente et que celles d’avant encore, avec une lenteur extrême. La jeune femme voyait défiler devant elle un bon nombre de personnes, toutes aussi différentes les unes que les autres. Il y avait ceux qui s’arrêtaient là un peu par hasard, juste boire un verre et qui repartaient. Il y a ceux qui venaient passer quelques heures entre amis autour d’un verre ou deux. Il y avait les habitués, là toujours les mêmes jours, toujours aux mêmes heures, elle commençait même à les connaitre un peu. Est-ce que eux la connaissait ? Rien n’était moins sûr. Évidemment, ils voyaient bien que c’était toujours le même visage, la même chevelure bouclée et indomptable, derrière le comptoir, mais peu d’entre eux lui adressaient la parole autrement que pour passer commande. Elle était insignifiante à leurs yeux, juste là pour faire son job. Ce qui n’était pas faux en soi. Et puis, il y avait les Étoiles Noires, ce groupe de jeunes, qui s’amusait à mettre la ville à sac et dirigé par Johnny Rockfort et sa comparse Sadia.

L’Underground Café semblait être en quelque sorte le quartier général, ils s’y retrouvaient tous les jours en fin d’après-midi, parfois à d’autres moments, avant d’aller embraser Monopolis de leurs attentats. Marie-Jeanne, là de l’autre côté du bar était aux premières loges pour être au courant de ce qu’ils préparaient. Mais jamais elle ne fit quoi que ce soit contre eux, elle n’est pas vraiment du genre à se mêler de ce qui ne la regarde pas. Malgré tout, dans cette petite bande de paumés, elle s’était prise d’affection pour l’un d’entre eux. Non, pas dans un sens amoureux, son cœur appartenait à Ziggy, même si c’était vain, mais plutôt dans un sens protecteur, presque maternel, comme une grande sœur quoi. Il était jeune, pas tant que ça en réalité, mais il semblait n’être encore qu’un adolescent, il en avait tout du moins l’allure. Le voir trainer avec ces énergumènes, à boire plus que de raison et faire les quatre cents coups, cela désolé Marie-Jeanne, qui tentaient à chaque fois de le raisonner, en vain.

Essuyant et rangeant ses verres, elle jeta un coup d’œil à l’horloge, puis posa son regard triste sur l’entrée du bar. Presque l’heure, les Étoiles Noires et Jay ne devraient plus tarder…

Papiers d'identité · **Jay Byrne**

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Only princesses stand still...

Jay n'était pas d'humeur. D'humeur à quoi? À rien justement. Il n'était tout simplement pas d'humeur. Il se fichait totalement de l'heure qu'il était, de l'habituel meeting des étoiles noires, de son job, il se fichait de tout… Il s'était déjà pris la tête avec quelques clients sur son lieu de travail et il était fatigué. Complètement épuisé et se déplacer ou réfléchir lui semblait être des gestes beaucoup trop douloureux. Il aurait voulu rester au lit toute la journée, terrer au fin fond de ce hangar miteux où personne ne prenait de ses nouvelles, et se laisser mourir. Et oui, Jay exagérait, il exagérait toujours. Mais c'était le seul moyen qu'il avait trouvé pour attirer l'attention des gens. Alors oui, Monsieur Byrne faisait la princesse. Oui, il prenait des air malheureux en se tordant torse nu sous ses couvertures et oui, tous ses sourires étaient faux. Jay n'appartenait tout simplement pas à ce lieu, les hangars et autres trous à rats de la ville…

C'était ce que le jeune garçon se disait tous les jours en se réveillant et cette matinée n'échappa à la règle. Son premier réflexe fut de s'étirer, faisant craquer les os de sa main et ceux de son pied gauche avant de se lever. Il courbait volontairement le dos et n'avait pas l'intention de repousser les mèches blondes qui lui tombaient sur le visage. Jay se rendait difforme dans le but de devenir invisible mais cela avait plutôt l'effet inverse. Comment ne pas remarquer quelqu'un comme Jay? Sa peau était trop blanche, ses lèvres trop charnues, son visage trop anguleux et sa physionomie générale trop parfaite. Il était narcissique au plus au point et en plus, comble du comble, il avait de bonne raison de l'être. Jay prit l'équivalent d'une douche, difficile à faire lorsque l'on habitait dans ce genre d'endroit, maltraitant sa propre peau en réglant l'eau sur la température la plus chaude.

Il se roula en boule quelques instants dans la cabine de douche, étirant ses muscles endoloris. Jay avait eu affaire à un client particulièrement exigeant hier soir, il avait demandé à avoir ce cher monsieur Byrne à lui tout seul pendant toute la soirée. Et qu'avait fait Jay? Il avait dansé. Dansé avec tout ce qu'il avait se montrant plus vulnérable que jamais. Tout ça pour qu'enfin, cet espèce de gros porc lui tendent des billets de banque. Il aurait pu être charmant que Jay n'aurait rien remarqué. Quand il dansait, le jeune homme était ailleurs. Dans une autre réalité où personne ne pouvait l'atteindre et la seule chose qui pouvait le réveiller était la douce odeur de l'argent. Et parfois, Jay se demandait quelle était la différence entre lui et une vulgaire prostituée. Il n'y en avait aucune. Il exposait son côté le plus vulnérable en dansant, et c'était toujours déboussolant de devoir retrouver la froideur et la réalité de son existence après des nuits tels que celle-ci. Et pourtant, il le fallait. C'était ainsi qu'il vivait.

Et ainsi que Jay se retrouva quelques heures plus tard à suivre ses autres camarades terroristes, se rendant à l'Underground café. Pour la première fois depuis longtemps, Jay était silencieux et les observait. Mais Jay était une tempête froide et vicieuse qui frappait sans prévenir. Il suffisait d'un rien pour qu'il se sente d'humeur plus joueuse et suggère un bain de sang. Ils entrèrent dans le bar dans un bruit sans nom et sans aucune discrétion, tout le monde savait très bien pourquoi ils étaient là. Jay lui se dirigea vers le bar, ses bottes laissant leur empreinte sur le sol. Il avait décidé de ne pas s'attacher les cheveux et ils retombaient, complètement fous et lumineux sur son visage, sa veste en cuir ouverte dévoilant son torse d'une pâleur affligeante. Il n'avait même pas pris la peine de s'habiller correctement pauvre petite chose. Il vit un regard familier, Marie Jeanne et lui offrit un maigre sourire. Il s'installa au bar en face d'elle et s'affala sur le comptoir, le visage caché par son imposante chevelure.

"Je commence en avoir marre de leurs idées de révolutions… Tout ce que je veux c'est quelque chose à boire. Quelque chose de fort. Oh et rassure toi, j'ai de quoi payer."

Il n'avait même pas pris la peine de lever la tête vers celle qui considérait comme sa mère de substitution. Marie-Jeanne aimait bien s'occuper de lui. Il prétendait ne pas aimer ça mais dans le fond… C'était plus que réconfortant.

Papiers d'identité · **Marie-Jeanne**

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Jay & Marie-Jeanne
«Le bon sens est la chose la mieux partagée du monde... La connerie aussi.»
[Jacques Rouxel]

La serveuse n’aimait pas particulièrement voir les Etoiles Noires débarquées dans son bar, même si elle en avait prit l’habitude. Cependant, elle trépignait d’impatience de les voir arriver chaque soir, depuis qu’elle s’était attachée à cette tête blonde, qu’elle prenait un malin plaisir à materner. Jay ne venait pas à chaque fois, puisqu’il avait son travail qui l’occupait, heureusement, autrement parfois, qu’à faire n’importe quoi avec cette bande de terroriste et ce même si Marie-Jeanne n’appréciait pas plus que ça le dit travail. Au moins c’était un boulot, et il pouvait gagner un peu d’argent autrement qu’illégalement. Elle ne se rappelait même plus, du moins si tant est qu’elle l’est un jour su, comment elle avait fini par se prendre d’affection pour ce jeune homme. Tout ce qu’elle savait, c’est que maintenant, il comptait beaucoup pour elle et qu’elle souhaitait pour lui une vie meilleure que celle qu’il vivait actuellement. Elle qui avait été fille unique avait trouvé en lui le petit frère qu’elle n’avait jamais eu et qu’elle aurait voulu.

Un grand sourire s’afficha sur le visage de Marie-Jeanne, les Etoiles Noires débarquaient peut-être, mais Jay était là ce soir, et elle était contente de le voir, alors qu’il ne s’était pas montré depuis plusieurs jours. Dans ces cas là, elle s’inquiétait toujours qu’il ne lui soit arrivé quelque chose pendant une de leurs attaques. Il faudrait vraiment qu’elle pense à lui demander son numéro de portable à l’occasion, comme ça elle pourrait se rassurer quand il ne passe pas, encore faut-il qu’il le veuille bien. Et ça, rien n’en était moins sûr… il semblait ne pas apprécier, non pas la serveuse, mais seulement sa façon d’être si maternelle avec lui. Ce qu’elle pouvait comprendre, après tout, à 22 ans on a plus forcément envie d’être chaperonné, mais c’était plus fort qu’elle, elle ne pouvait s’en empêcher.

La serveuse le vit s’installer au bar, sans même la regarder, cacher par ses longs cheveux dorés en pagaille. Il n’avait même pas pris la peine de se coiffer, ni de s’habiller correctement d’ailleurs, ce qui attrista Marie-Jeanne. Avait-il si peu d’estime pour lui-même, pour se négliger ainsi ?

- Bonsoir Jay ! Et je ne m’en fais pas pour l’addition, au pire tu sais très bien que je te le paierais quitte à se que tu me rembourse plus tard. Alors dis-moi, qu’est-ce que tu prends ce soir ?

Elle le regardait un air tendre dans les yeux, se demandant pourquoi il restait encore avec cette bande de zonards, s’il ne supportait plus leurs idéaux. Ce qui la fit sourire, au moins c’était une chose positive, enfin, et elle arriverait peut-être de cette manière à l’aider plus facilement à faire autre chose de sa vie. Elle ne se gêna d’ailleurs pas de le lui faire remarquer, tout comme elle ne se gêna pas de commenter sa tenue vestimentaire, si on peut se permettre de dénommer ce qu’il portait ‘‘une tenue’’.

- Tu aurais pu au moins faire l’effort de te vêtir un peu mieux que ça tout de même ? Je sais bien que tu prône l’anarchie, mais tout de même, il y a des limites !

Elle s’arrêta un instant terminant de ranger les verres qu’elle était en train de nettoyer et n’aimant pas parler à quelqu’un le dos tourné, elle préféra attendre un instant avec de poursuivre.

- Qu’est-ce que tu reste avec ces abrutis si tu en as autant marre que de leur façon de penser ? Franchement là, je ne te comprends pas ! Merde, t’es encore jeune, bouge-toi, il n’est pas trop tard pour toi, pour reprendre ta vie en main !

Son ton s’était fait un peu plus sévère, ces mots un peu moins doux, Marie-Jeanne espérait ainsi faire réagir son petit protégé, lui faire prendre conscience que sa vie n’avait pas à être comme ça éternellement, qu’il n’appartenait qu’à lui d’en faire autre chose. Ce qu’elle voulait surtout, c’est qu’il ne commette pas les mêmes erreurs qu’elle.

Papiers d'identité · **Jay Byrne**

En temps normal, Jay aimait être le centre de toutes les attentions. Il avait un esprit vif et critique et était toujours prêt à dénigrer les idées qui circulaient parmi les étoiles noires. Détruisons ceci, détruisons cela, du calme les enfants, du calme. Jay était celui qui faisait des sourires narquois et qui osait répondre à leur leader. Histoire de mettre un peu plus de piment dans cette réunion de bras cassés. Il était grand, froid et extraordinaire à la fois. Mais pas ce soir… Ce soir il était fatigué, tout son corps lui faisait mal et le moindre mouvement était douloureux. Même les tressauts de son coeur dans sa poitrine lui semblaient affreux. Trop de bruits, trop de lumière, trop de couleur. Un peu de silence s'il vous plaît! Était-ce de la déprime? De la vieillesse ? Ou tout simplement un éclair de lucidité, un rayon de soleil sur la boue chaotique de son existence. Donnez moi de la boue et je vous en ferai de l'or. Jay se voyait déjà comme de l'or. Il était recouvert de boue et chacun de ses actes ne faisaient que le salir un peu plus. C'était un beau salaud en fait, et faire le moindre effort était trop douloureux. Il se contentait de vouloir plus, de rêver plus, sans jamais rien faire pour avoir. Peut être que dans le fond, il était bien lâche, qu'il était bien faible… Oui, s'il commençait à avoir ce genre de penser, il lui fallait vraiment quelque chose à boire. Il redressa légèrement la tête faisant face à Marie-Jeanne. Il ne comprenait pas pourquoi est-ce qu'elle ne l'avait pas déjà laissé tombé. Il trouvait sa pitié à la fois touchante et écoeurante. Jay aurait du protester avec un peu plus véhémence mais pas ce soir.

"Je veux quelque chose de fort. N'importe quoi pourvu que je sois bourré. Et le plus rapidement possible s'il te plaît."

Poli en plus de cela, décidément un mauvais soir. Il rangea quelques mèches de cheveux derrière ses oreilles, ses doigts pianotant sur le comptoir. Jay tourna légèrement la tête vers ses autres compagnons avant de rouler des yeux. Il ne manquerait à personne et même d'ici, ils pouvaient entendre leur conversation. Ils ne se cachaient même plus, tout le monde dans l'établissement savait pourquoi ils étaient ici et nier l'évidence aurait plus été horrible que de laisser tranquillement tout ceci se faire. Il reporta son attention sur Marie-Jeanne et grimaça légèrement en entendant son discours. Si, il était déjà trop tard pour Jay. Il avait toujours été trop tard, au moment même où il était né, où sa beauté avait ébloui un monde trop bancale et trop abstrait, il avait déjà été trop tard. Le jeune homme ne s'en plaignait pas, il le savait. Il connaissait sa propre vérité et c'est pour ça qu'il ne pouvait se voir beau. Il posa sa menton sur le plat de la main, son coude sur le comptoir et la fixa, d'un air à moitié intéressé. Et c'est d'une voix totalement monocorde qu'il lui répondit.

"Oh non pas de sermons! Je ne suis vraiment pas d'humeur… Je me fiche totalement de leur plan de révolutions. Il y a bien longtemps que je me suis fait une raison. Quand on nait comme un moins que rien… On finit comme un moins que rien."

Il eut un hochement de tête vers les étoiles noires, un sourire dédaigneux sur le visage. Lorsque Jay les avait rejoints, il n'avait pas chercher à savoir pourquoi, ni comment. Juste quoi? Qu'est-ce que vous faites? Vous attirez l'attention sur vous? Parfait, je suis de la partie. Ni plus, ni moins … Dans le fond, la politique l'emmerdait vraiment.

"Alors qu'est-ce que je fous avec eux? Très franchement je n'en ai pas la moindre idée… Oh si, notre chef est mignon alors… ça ajoute un peu de saveur à la chose je suppose … dis tu n'aurais pas des clopes?"

Papiers d'identité · **Marie-Jeanne**

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Jay & Marie-Jeanne
«Le bon sens est la chose la mieux partagée du monde... La connerie aussi.»
[Jacques Rouxel]

La serveuse n’aimait pas l’entendre se dénigrer de cette façon. Elle ne savait que trop bien à quel point cela ne faisait que s’enfoncer encore plus. Un vrai cercle vicieux. A force de se dire qu’on est nul, on agit en conséquence et après on se sent encore plus nul, se convaincant toujours de plus en plus qu’on en vaut rien et ainsi de suite. C’est ce que Marie-Jeanne avait d’une certaine manière fait et qui en résultait qu’elle était encore et toujours serveuse à l’Underground Café. Elle n’avait jamais été une élève particulièrement brillante, pas mauvaise non plus, juste dans la moyenne, elle n’avait jamais eu de vrai passion, elle avait toujours était quelqu’un de banal, elle était juste plus garçon manqué que petite fille modèle et son père lui avait répété inlassablement qu’elle devait se trouver un centre d’intérêt, que ce n’est pas comme ça qu’elle allait s’améliorer, qu’elle était et resterait quelqu’un d’indifférent, tout juste bonne à garder les oies, autrement dit en d’autre termes « bonne à rien » ! Ce dont elle avait fini par se convaincre elle-même, alors qu’au fond secrètement, elle rêvait de prendre la relève de son père, mais face à lui et ses mots blessant, elle n’avait jamais trouvé le courage de le lui dire et s’était contenté d’être ce que son père voyait en elle. La jeune femme ne voulait donc pas que Jay reproduise son erreur et elle tenait donc à sa façon, de lui montrer qu’elle croyait en lui, qu’elle croyait en sa capacité à s’en sortir. Juste le soutenir, encore et encore, même contre sa volonté, elle ne pouvait faire que ça, mais avoir quelqu’un à ses côtés pour avancer, c’est ce qu’elle aurait aimé avoir. Marie-Jeanne avait fait sans, mais elle ne laisserait le garçon seul face à son destin, elle l’aiderait comme elle le pourrait à se construire un futur, un avenir plus brillant que celui qui se profilait pour le moment devant lui.

- Arrêtes de te dire ça, bon sang ! Tu vaux bien plus que ce que tu crois et surtout bien plus que de rester là à trainer avec des personnes dont tu ne partages même pas les idées.

La serveuse sortit son paquet de cigarettes et le tendit à Jay afin qu’il s’en prenne une, et s’en alluma une également avant de reprendre son discours, elle ne comptait en rester là.

- Je sais bien que je ne suis pas ta mère, mais je te dis ça parce que j’ai fait cette erreur et regard où j’en suis, 30 ans et toujours serveuse. Prends la peine de croire en toi et tu seras capable de faire quelque chose de ta vie. En tout cas moi je crois en toi.

Connaissant le caractère tête de mule du jeune homme, elle se doutait bien que ces quelques paroles ne suffiraient pas à le faire changer en quelques minutes, mais peut-être qu’à force de persuasion et de le lui répéter à chaque fois qu’elle le voit, il finirait par se rentrer dans le crâne qu’il est quelqu’un de bien et finira-t-il peut-être même par le croire lui-même. Marie-Jeanne espérait en tout cas, qu’elle finirait par réussir à sauver son petit protégé pour ce qu’elle n’a pas pu se sauver elle-même.

La jeune femme était anxieuse, soucieuse de son propre avenir, mais en ce moment bien plus de celui de Jay. Elle tirait frénétiquement sur sa clope, inspirant au maximum et laissant s’échapper lentement la fumée grise de sa bouche. Qu’allait-il lui répondre ? Quelles excuses allait-il encore trouver pour se défiler ? Elle se préparait mentalement à ce qu’il pourrait lui sortir car elle était sensible et parfois il savait être blessant dans ses propos. A tel point, qu’elle se demander encore pourquoi elle tenait tant à l’aider s’il ne voulait pas de son aide. Mais comme à chaque fois, elle ne pouvait s’en empêcher.

Papiers d'identité · **Jay Byrne**

Et voilà que Jay se retrouvait accoudé contre le bar, les cheveux plaqués contre le visage et une cigarette dans la bouche. À recevoir des leçons de moral. Et non Marie-Jeanne n'était pas sa mère, même si parfois, Jay se disait que sa vie aurait été un peu plus différente s'il avait eut une mère comme elle. Non, sa mère à lui était probablement morte et c'était une pensée réconfortante. Jay n'avait pas été battu, pas maltraité mais bien au contraire. Sa mère ne l'avait jamais vu comme son fils mais comme un homme, un homme beau et magnifique et surtout que l'on pouvait exploiter. Elle passait des heures à s'occuper de Jay, quitte à en négliger sa soeur mais c'était comme ça, Jay avait été pourri et gâté dès la naissance et maintenant, le moindre efforts lui était des plus déplaisant. Non... Très franchement, le blond aurait préféré être élevé d'une autre manière. Surtout que c'était sa mère qui l'avait poussé à venir ici, en prétendant qu'il deviendrait beau, riche, célèbre, adoré et adulé de tous.

Et maintenant? Jay n'était rien de toutes ces choses là et lorsqu'il y réfléchissait bien, il n'y avait pas grand chose qui le différenciait d'une vulgaire prostituée. Avant, cette pensée lui lacérait le coeur et l'empêchait de dormir la nuit, et les yeux fermés, il imaginait des mains invisibles se promenant sur sa peau pâle et essayant de lui prendre ce qu'il avait toujours refusé de donner. Jay se réveillait alors, les jambes emmêlées dans ses draps et recouverts de sueur. Toujours cruellement en vie, toujours un raté, vivant toujours parmi les rats d'égouts. À présent, cigarette à la bouche, cette pensée faisait bien rire Jay. Il tira une longue bouffée sur sa cigarette et tourna la tête pour recracher la fumée.

"Crois moi, c'est un beau compliment que je te fais en disant que tu n'es pas ma mère. Imagine comment il faut être pour élever quelqu'un comme moi... Au moins à moitié cinglé et égocentrique que moi."

Jay eut quelques intants de rire, froid et sans saveur avant de terminer sa cigarette sans plus de cérémonies. Si jeune et déjà, quand le soleil était en train de se coucher et qu'il n'y avait personne pour le voir, sa peau paraissait déjà grise et sans vie. Si jeune et il était déjà en train de mourir, déjà en train de mourir parce qu'il ne rêvait pas, il ne vivait pas vraiment et la plupart du temps, tout ce qu'il avait dans son estomac, c'était de l'alcool bon marché, du genre à vous racler la gorge et à vous faire vomir quelques instants plus tard. Jay jeta un regard au étoiles noires et roula des yeux, se tournant de nouveau vers Marie-Jeanne.

"Mais que veux tu que je te dise? Que ce n'est qu'une mauvaise période? Que tout ira mieux le mois prochain? On sait tous les deux que c'est un mensonge. Je suis dans la merde et je me suis mis tout seul comme un grand... Le problème c'est que je suis bien trop flemmard pour faire quoi que ce soit de productif alors..."

Il haussa les épaules en se demandant si elle allait le servir et le laisser se souler. Jay en avait besoin, aujourd'hui plus que d'un autre soir, parce qu'il ne savait vraiment pas s'il pouvait supporter les regards de la foule ce soir à son travail. Non... Ils voulaient tous quelque chose qu'il ne donnerait jamais et à force... tous ces regards allaient finir par le tuer.

Spoiler:

Papiers d'identité · **Marie-Jeanne**

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Jay & Marie-Jeanne
«Le bon sens est la chose la mieux partagée du monde... La connerie aussi.»
[Jacques Rouxel]

Un compliment hein ? Peut-être, oui. Effectivement, si Marie-Jeanne avait était sa mère, bien que leur différence d’âge ne le permettrait pas, mais si elle avait la mère de Jay, elle ne l’aurait pas laissé sombrer ainsi. Elle se serait battu pour le voir s’en sortir, battu pour qu’il choisisse une voie qui lui permettrait de vivre et non pas de survivre. Elle-même vivant au quotidien plus pour survivre que vivre, elle comprenait que trop bien le point de vue de Jay, mais elle avait, même si cela était très loin de ce qu’elle avait rêvé, trouvé un emploi et avait un semblant correct de vie. La serveuse aurait souhaité que le blondinet aussi puisse avoir un semblant de vie meilleur que ce qu’il vivait actuellement, danseur dans un cabaret et dormir dans un hangar n’était vraiment pas ce qu’elle imaginait être une vie.

- Je sais bien que les choses ne s’arrangeront pas aussi rapidement, mais ce n’est pas parce que ça sera long, que ça ne pourra jamais s’arranger. Un peu de volonté, c’est ce qu’il te faut trouver.

Marie-Jeanne le regarda hausser les épaules avec nonchalance, ce qui la désespéra un peu. Elle leva les yeux au ciel, soupira puis reposa son regard sur le danseur de cabaret.

- Il n’a y que toi qui puisse te bouger vraiment, je peux t’aider bien sûr, en te proposant de te loger chez moi un temps, ce sera toujours mieux que les hangars et je peux éventuellement parler au boss de toi, si ça te dit. Après je ne peux te promettre qu’il acceptera, mais si l’on n’essaie pas, on ne saura pas. Alors qu’en dis-tu ?

C’était un peu présomptueux de la part de la jeune femme de s’avancer sur ce terrain là, surtout après ce que Jay venait de lui dire. Mais après tout, qui ne tente rien n’a rien, et si elle ne prenait pas le taureau par les cornes pour lui, il ne semblait pas en mesure de le faire tout seul pour le moment. Elle se disait que peut-être en voyant quelqu’un vraiment se démener pour lui, il finirait par prendre conscience qu’il valait mieux que ce qu’il ne pensait de lui-même, et qu’ici bas, il y avait quand même quelqu’un pour faire attention à lui.

La serveuse finit par lui servir un nouveau verre à contre cœur, mais il paraissait en avoir vraiment besoin, là dans l’immédiat. Et puis, elle ferait quand même attention à ce qu’il ne finisse pas complètement ivre, elle saurait quand il serait temps de lui dire stop. Elle était d’ailleurs la seule capable de lui dire lorsqu’il était temps pour lui d’arrêter. La plupart du temps il ne l’écoutait même pas d’ailleurs, mais parfois, parfois seulement, il arrivait que Jay sache être raisonnable et Marie-Jeanne espérait qu’aujourd’hui soit une de ces fois là.

- Promets-moi que tu vas réfléchir à ma proposition, au moins un peu ? Tu sais que je veux vraiment t’aider. Tu peux pas rester avec les Etoiles Noires, ce n’est pas toi, ils ne te ressemblent en rien !

La jeune femme essayait tant bien que mal de trouver les mots pour le faire réfléchir, pour le réveiller de sa torpeur quotidienne. Un jour elle finirait par trouver le moyen de le sortir de là, elle le savait, et elle croisait fort les doigts pour que ce soit plus tôt que tard.

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