On dit souvent que le physique détermine beaucoup de choses. Si vous demandez à Cameron, elle roulera les épaules. La philo, ça n’a jamais été son truc. Trop sage et trop intello pour elle. Elle préfère la pâte philo. Mademoiselle Cameron Morgan Sinclair a tout du physique d’un ange. Petite blondinette de Monopolis, elle a de longs cheveux blonds qui frisent naturellement. Jamais elle n’oserait les teindre. Parfois, elle s’ose à les aplatir. Elle les porte long depuis plusieurs années et n’a pas l’intention de les couper car ils sont sa fierté. Ces yeux sont d’un bleu éclatant. Ils pétillent de lumière, d’énergie et de détermination. Fille dans un domaine d’homme, elle se doit de savoir persévérer. Ses pommettes sont hautes et encadrent des traits du visage qui sont tout en délicatesse, un sourire immense et un nez tout doux. Sa peau est blanche comme la neige. De taille petite, elle a tout d’un physique sportif avec son allure svelte, ce qui est assez étonnant pour une fille qui travaille dans les cuisines depuis cinq ans – il faut donc préciser qu’elle fait beaucoup de sport. Elle aborde un style vestimentaire assez simple. Abordant fièrement des vêtements recyclés ou issus des friperies de la ville, elle ne porte aucun bijoux ou preuve de richesses bien qu’elle ait quand même une petite quantité d’argent sur son compte… aucun, non. Elle porte une croix d’or dans le cou dont elle ne se sépare jamais, symbole de sa foi.

Ma mère avait l’habitude de m’amener dans ses cours quand j’étais encore une petite fille. À chaque année, elle donnait le cours sur la littérature moderne. Elle présentait les trois grands courants. À chaque année, elle donnait toujours le même discours en début d’année. Je crois que c’était d’ailleurs pour cette raison qu’elle m’amenait. Elle avait toujours prétendu que c’était parce qu’elle n’aimait pas me confier à une gardienne. Mais je savais que ça simplifiait l’image pour elle. Elle présentait les auteurs modernes comme étant ceux qui avaient voulu révolutionner le monde en inventant des technologies qui avait modifié tout et qui croyait en la postérité, au fait qu’ils légueraient cette histoire à d’autres. Puis elle présentait la postmodernité comme étant les apathiques, ceux qui avait réagi au surplus de la création en s’arrêtant de produire et en se montrant défaitiste devant les épreuves d’une planète de plus en plus pollué. Il ne fallait qu’un coup d’œil pour deviner que ma mère était une militante écologiste, l’une des premières partisanes du Gourou avant même qu’il ne se présente aux élections. Ma mère m’avait eu jeune, avant ses vingt-deux ans. J’avais donc trois ans quand elle m’amena dans sa classe pour la première fois. Et elle enchaînait avec ce qu’il y avait après la postmodernité en disant ces mots : « Ce qu'il y a après la postmodernité, c'est comme ma fille. Cameron est une enfant de la fin du monde. Elle est née le jour où l'on savait que l'humanité n'en avait plus pour très longtemps. Elle est encore jeune mais lucide. Elle admire la modernité. Elle adore la postmodernité, mais elle sait reconnaitre leurs défauts et n'ira dans aucune des deux voies. Est-ce que Cameron est en mesure de sauver le monde? Bien sûr, elle recyclera ces cannes de conserves, utilisera son vélo plutôt qu'une voiture, achètera des carottes bio... mais est-ce que ce sera suffisant pour éviter la catastrophe écologique (conséquence directe de la vanité de la modernité et de l'apathie de la postmodernité)? Peut-être que oui. Peut-être que non. Peut-être qu'il est déjà trop tard. Comment Cameron réagira-t-elle face à sa propre mort? Aura-elle avec la panique des modernes en établissant des processus? Restera-t-elle immobile face à la destruction de son monde comme les post-modernes? Non! Elle constatera : « La vie, c'est magnifique, on va tous crever, je vais aller dire à ceux que j'aime que je les aime avant de disparaitre ». Cameron n'intime pas d'ordre parce que la volonté doit venir de soi-même. Cameron n'utilise pas le sarcasme parce qu'il rehausse les laideurs du monde et elle cherche les beautés. Et c’est cette différence que je vais vous amener à voir. Celles qui existent entre les penseurs moderne, postmoderne et les contemporains d’aujourd’hui. » J’ai grandi dans cet univers écologiste. Dans cet univers qui voulait que la vie était belle malgré toute les petites horreurs qu’elle renferme. Ma mère m’a appris au cours de ma vie à accorder de l’importance aux petites merveilles de la vie. J’ai grandi dans Monopolis. J’étais assez intelligente pour compléter mes études. Mais on ne sait jamais ce que la vie nous réserve. Ma vie me destinait probablement à un métier d’enseignement, s’il ne se serait pas trouver que j’aimais la cuisine. Dès que j’étais toute petite, ma mère devait me tirer de la cuisine pour que j’arrête de cuisiner. C’était l’une de mes passions. Ma passion à moi. Malgré les apparences plutôt libertine de ma mère, qui avait eu un enfant hors mariage – d’ailleurs, j’ignore l’identité de mon père, elle n’en restait pas moins très croyante. J’ai donc grandi dans un milieu catholique en allant à l’église à toutes les semaines – et même si je dis ne pas accorder une grande importance à la religion… c’est un mensonge. Lorsque ma mère est tombée malade, l’été de mes seize ans, j’ai laissé tomber l’école à temps plein pour m’inscrire aux adultes. Et c’est pour cette raison que j’ai commencé à travailler dans le restaurant chic de Monopolis. J’ai été embauchée comme serveuse. Mais ce n’était pas la place où je voulais être. Et j’ai monté à ma manière les échelles en prenant des places, en apprenant sur le tas. Quand ma mère est décédée, peu avant mes dix-sept ans, j’ai commencé à travailler à temps plein dans les cuisines. Plus riche de l’héritage de ma mère, j’ai caressé le rêve d’ouvrir mon propre restaurant de fine cuisine dans ma ville. Mais encore, pour ouvrir son propre restaurant, il faut avoir l’expérience qu’à vingt-et-un ans je n’ai pas encore. Je complète donc mes cours de gestions du commerce à distance en continuant de travailler dans le restaurant cinq étoile à titre de sous-chef, ce qui me permet de vivre une vie qui me plait bien.

Par son métier, les gens s’attendent à découvrir une femme un peu garçon manqué qui est très déterminée. Il faut dire que le fait d’exercer une profession typiquement masculine lui rend la tâche plus difficile et a un peu durci certains des aspects de sa personnalité. Les gens ont aussi souvent l’impression de très bien la connaître parce qu’elle est assez accessible et qu’elle parle beaucoup – c’est souvent lorsque les gens n’écoutent pas car elle parle très peu d’elle-même. Beaucoup la considèrent comme une extrémiste écologiste comme sa mère. Après tout, n’est-elle pas la première à clamer qu’il faut manger local, biologique et même végétarien? N’est-elle pas toujours sur son vélo? N’est-elle pas à toutes les manifestations écologistes pour la sauvegarde de l’environnement? N’est-elle pas parmi les premières à répandre les idées des bâtiments écologiques et à supporter le gourou?