Du haut de sa tour, Charles contemplait son empire à travers la vitre panoramique de son bureau. Il était un des hommes les plus puissants de l'Occident de par son statut. L'héritage paternel. Il avait été élevé pour reprendre la radio fondée par son père. Radio-Capitale. Mais il avait visait plus haut et contrôlait aujourd'hui les médias. Qui aurait pu croire que ce garçon solitaire et étrange puisse devenir une des personnes au carnet d'adresses le plus complet du monde Non pas qu'il s'entendait avec tout le monde. Mais il savait où contacter les puissants. S'il n'était pas toujours apprécié, il était tout de même écouté. Bien entendu, il n'était pas dupe. Le jour où il quitterait son job -ou serait renvoyé par les actionnaires- il perdrait bon nombre de ses privilèges, de ses contacts, et même de ses amis. C'était la société qui l'avait fabriqué, elle pouvait tout lui reprendre. Mais cela ne l'empêchait pas de dormir.

Il se retourna vers un petit buffet en acajou, sa réserve d'alcool. Il y conservait Brandy, Absinthe et Whisky, et autres délices du même acabit. Toujours pour les grandes occasions, les accords juteux ou les négociations déterminantes. Il ne les servait pas à n'importe qui. Il faut dire que chaque bouteille valait une petite fortune. Charles ne buvait pas n'importe quoi, et il ne voulait pas servir du jus de chaussette à ses partenaires d'affaires.

Aujourd'hui il fêtait le record d'audience de Starmania, une émission crée par Cristal, son animatrice-star. Il aurait aimé partager cette joie avec l'équipe mais... cela faisait trop de monde. Alors seul il se féliciterait et avec le staff de l'émission il organiserait une bonne bouffe au restaurant. Un gala peut-être même. Qu'il combinera avec l'anniversaire de l'émission. Oh oui ! Excellente idée ! Il faudrait organiser cela. Bien sûr femmes ou compagnons acceptés, mais pas d'enfants. Et tout serait parfait. Il se servit un verre de scotch puis revint à sa vitre, observant à nouveau le sommet des tours en buvant une gorgée.

Soudain le haut parleur sur son bureau sonna, l'interrompant dans ses pensées. Un hologramme apparaissait au-dessus d'un petit triangle sur son bureau. Le buste de sa secrétaire particulière. Que voulait-elle ? Il s'avança vers le bureau et posa son verre dans un coin avant de parler en direction du haut-parleur.

« Je prends»

Annonça-t-il. La commande vocale permit de "décrocher" et la discussion s'enclencha.

« Monsieur Zéro Janvier est là, Monsieur. »

Ah... oui ! Il avait rendez-vous avec le leader du parti futuriste. Enjeux de la réunion : les plages horaires pour le passage de ses spots publicitaires. Il partait déjà avec une longueur d'avance par rapport à son concurrent. Le Gourou ne s'était pas encore donné la peine de se déplacer personnellement. Et à ce que Charles en savait, les deux hommes n'avaient pourtant pas le même taux de remplissage de leur emploi du temps... Voilà qui renforçait ses convictions personnelles. Ceci dit l'antenne se devait d'être impartiale. Mais "premier arrivé, premier servi" était un bon argument pour justifier la très légère supériorité probable de l'efficacité des publicités de Zéro Janvier, n'est ce pas ?

« Faites-le entrer»

Entre businessman, Charles et son homologue de la construction de buildings se comprenaient. Ils avaient une entente relativement cordiale, presque... amicale. Sachant pertinemment que le slogan « Business is Business » était plus que fondé. Lorsqu'ils discutaient aucun ne cédait du terrain à l'autre pour des raisons de relation. C'était ce qui était excitant dans les affaires. Réussir à obtenir ce qu'on voulait de la partie adverse tout en lui cédant le moins de terrain possible. Un exercice difficile dans lequel on laissait souvent des plumes, qu'on soit jeune recrue ou vétéran. Cela n'empêchait pas de jouer au golf avec le dimanche après-midi. Une relation où l'on s'appelait par son prénom en privé mais où on parlait de l'autre par son prénom et son nom en public, et où l'on ne mentionnait que le nom lorsqu'on parlait à ses proches, ses associés ou ses larbins... Le protocole merveilleux des gens qui gouvernaient la société.

L'homme d'affaires-politicien entra dans le bureau.

« Ah ! Zéro... Cela fait plaisir de vous voir. Je peux vous offrir quelque-chose ?»

Les négociations commençaient, et comme toutes négociations, on démarrerait par un verre d'alcool. L'hospitalité avant tout, mes enfants.